Une urgence politique, sociale et économique

Voeu du Conseil économique, social et environnemental régional de Bretagne

« Il faut imaginer un monde sans associations pour comprendre combien leur apport à l’économie, à la société et à la démocratie est considérable  », souligne le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son rapport « Le financement des associations : une urgence démocratique » (mai 2024). Faisant sienne cette interpellation, le CESER de Bretagne alerte à son tour sur la fragilisation socio-économique brutale du tissu associatif et ses conséquences en Bretagne.

La Bretagne (1) compte entre 73 000 et 79 000 associations où s’engagent plus de 700 000 bénévoles dans tous les territoires. Près de 9 000 associations emploient 104 000 salarié·es environ, soit 10,2 % de l’emploi privé en Bretagne, contre 8,9 % en moyenne nationale. Avec une masse salariale régionale de 2,5 milliards d’euros et alors que la moitié des associations employeuses dispose de moins de 3 salarié·es, la vitalité du tissu associatif est un enjeu primordial.

Les associations jouent en effet un rôle majeur dans la cohésion sociale, l’économie, l’environnement, la vie culturelle, la dynamique et la vitalité des territoires en Bretagne dans toute leur diversité (milieux urbains, péri- urbains, ruraux, littoraux, îles…). Par leur tissage de liens et leurs actions de proximité, elles s’adaptent et répondent finement aux besoins et aspirations de leurs habitantes et habitants, à tous les âges de la vie, en développant leur participation, leur pouvoir d’agir, l’attachement au territoire et leur qualité de vie : activités artistiques et culturelles, patrimoine, sport, solidarités, action sociale et médico-sociale, santé, médiation et accès aux droits des femmes et des hommes, environnement, jeunesse et éducation populaire, enseignement, formation et insertion, activités économiques (ex : tourisme)…

Comme le traduit la Charte d’engagements réciproques entre le Mouvement associatif de Bretagne, l’État en région et le Conseil régional, en cours de signature, les associations sont aussi de véritables partenaires institutionnels et économiques. Elles contribuent pleinement au bien vivre ensemble pour toutes et tous dans les territoires ainsi qu’à leur développement et à leur attractivité. L’engagement citoyen des bénévoles, le rôle d’alerte et d’interpellation des associations et de leurs réseaux pour la défense des causes et des droits sont également précieux et irremplaçables, contribuant à la vie et au débat démocratiques dans les territoires.

Derniers remparts face à l’exclusion, elles sont notamment présentes auprès de personnes en situation de vulnérabilité, de précarité et de pauvreté, en proposant des réponses socialement innovantes et inclusives, en particulier là où les services publics ou le secteur marchand à but lucratif ne sont pas ou plus accessibles.

Par contraintes et/ou par choix politiques, les arbitrages budgétaires de l’État, de certaines collectivités territoriales et de leurs groupements, mettent aujourd’hui gravement en péril, par un effet domino, nombre de structures associatives à but non lucratif et leurs projets d’utilité sociale et d’intérêt général (2). Certaines d’entre elles sont contraintes de prévoir et/ou de mettre en œuvre des « plans de sauvegarde de l’emploi » avec des licenciements, se retrouvent en redressement judiciaire, voire disparaissent. Ce désengagement public a déjà et aura en particulier des conséquences délétères dans le soutien et l’accompagnement des populations les plus en difficulté, les plus isolées et les plus éloignées des institutions et dispositifs de droit commun.

La Bretagne n’est et ne sera pas épargnée. Dans un contexte de crise sociale et démocratique profonde, de montée du repli sur soi, de mutations et transitions multiples, le CESER alerte solennellement les pouvoirs publics, ainsi que les citoyennes et les citoyens, sur la nécessité de soutenir clairement et durablement le foisonnement et la diversité de la vie associative – voire sa survie - à tous les échelons de territoire. Le CESER rappelle le rôle stratégique des associations dans les politiques publiques et partage la gravité des craintes exprimées par le Mouvement associatif aux niveaux national et régional : « Affaiblir le monde associatif revient à hypothéquer des solutions souvent innovantes et adaptées aux besoins locaux »(3).

Pour le CESER de Bretagne, représentant de la société civile organisée, il n’est pas concevable que le monde associatif engagé localement de manière désintéressée au service du bien commun et de l’intérêt général soit considéré comme une variable d’ajustement budgétaire des politiques publiques. En écho aux constats et préconisations du CESE, il rappelle que « la pérennisation des associations est un véritable choix de société ». A contrario, leur fragilisation et leur disparition peuvent aussi être un choix de société, plus ou moins implicite. Le CESER estime, comme le CESE, qu’il est « essentiel de renforcer leur financement et leur indépendance et ainsi faire vivre la démocratie dans toutes ses dimensions ».

En conclusion, le CESER de Bretagne appelle l’action publique en région, la société civile organisée ainsi que les citoyennes et citoyens à défendre la liberté et la pérennité des associations qui, au quotidien, concourent au bien commun et à l’intérêt général dans les territoires en Bretagne ; des associations qui, par leurs initiatives, œuvrent en proximité - et souvent dans l’ombre - à la paix civile, à la cohésion sociale et territoriale ; des associations qui sont le gage d’une société et d’une démocratie vivantes, pluralistes et solidaires.

Le CESER réaffirme que, dans tous les territoires, soutenir la vie associative pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle fait (4), constitue une urgence politique, sociale et économique autant qu’un investissement pour l’avenir de la Bretagne.

1 Recherches et solidarités, INJEP, « Associations en région – Repères et chiffres clés 2024 »
2 Le Monde, 7 février 2025, « De nombreuses associations en grande difficulté, des milliers d’emplois menacés »
3 Lettre du 28 janvier 2025 de Claire Thoury, Présidente du Mouvement associatif, au Premier ministre
4 CESER de Bretagne, 2017, « Les défis de la vie associative »